18.11.2020

Ma vie de conseillère maquilleuse : Episode 5 - Comment YouTube et Instagram se sont imposés dans notre game

Je vous le racontais dans le premier épisode, c’est en regardant les chaînes beautés de YouTube - maquilleurs professionnels ou passionnés-quelques années auparavant, que j’ai su oser postuler à Sephora. Et depuis… je n’ai jamais cessé d’opérer cette « veille cosmétique ».

Aujourd’hui et plus les années passent, je réalise combien ces réseaux contrôlent et conditionnent finalement une bonne partie de nos ventes, auprès des jeunes mais pas que.

Influenceurs, créateurs de tendances sont les nouveaux visages des marques, et en particulier des marques de maquillage. D’ailleurs certains de ces vidéastes finissent par collaborer pour des créations limitées ou créer leur propre marque de maquillage.

Concrètement, comment les réseaux impactent-ils notre travail ?

Les sorties, ou les teasers de ces dernières se font énormément sur les réseaux sociaux. Et les fans de maquillage, - les « beautystas » comme on a pu le lire ^^-suivent évidemment quotidiennement ces informations ! Si nous ne les suivons pas nous-même nous perdons rapidement la face devant nos clientes. Par ailleurs, ces mêmes influenceurs assistent ou reçoivent des colis des services de relation presse des marques, souvent même avant que nous ayons les produits en magasin. (Cela peut parfois aussi générer beaucoup de frustration d’ailleurs quand l’annonce se fait trop en amont !)

Le monde de la cosmétique et en particulier du maquillage, est un monde qui se meut à toute vitesse, les nouveautés sortent presque chaque semaine (en particulier les palettes de fard à paupières) et deux semaines après elle peuvent devenir obsolètes. Clairement certains produits arrivent pour créer le buzz, et l’effet de l’édition limitée - c’est à dire de la rareté - provoque l’effervescence nécessaire à un succès commercial fulgurant.

Au delà du biais purement mercantile que cela génère, je dois dire que j’apprends énormément en suivant ces chaînes beauté et ces comptes instagram (pour le « reveal » des nouveaux produits), même si j’y consacre des heures à côté de mon travail. Cela est complètement devenu indispensable à l’exercice de mon métier, ou en tout cas l’exigence que j’en ai : je dois sans cesse être à la page.

En réalité je vois une très forte interdépendance entre le monde de YouTube/instagram et le monde de la parfumerie et de ses conseillères.

Grâce aux revues de produits faites par les youtubeuses que je suis sur la toile, cela me permet de me faire une idée a priori de la qualité, des textures, du fini des produits pour pouvoir les conseiller ensuite à mes clientes. Cela me permet aussi de revoir leur avis en essayant d’autres techniques et d’ajuster mon avis.

Là où YouTube atteint ses limites, c’est que les tests des produits (pour les youtubeurs qui sont des passionnés mais pas des maquilleurs professionnels) se fait sur le seul visage, avec leur type de peau et leurs problèmatiques spécifiques. Aussi faut-il peut être rappeler que le rendu en vidéo est beaucoup plus « lissé » du simple fait de l’éclairage ou alors de filtre flouttant plus avancé, construit une image qui est plus ou moins éloignée de la réalité. Le maquillage a par ailleurs cette particularité d’être difficilement « photogénique » sans altérer, saturer les couleurs. Rien ne vaut donc de voir le produit IRL (in Real Life), et si possible à la lumière du jour.

En d’autres termes, c’est la que notre expérience et notre pédagogie intervient. On vient souvent nous voir pour tester telle ou telle technique. Prenons celle plébiscitée par beaucoup et notamment « buzzée » par la famille Kardashian, le contouring. Il s’agit de révéler les zones « creuses » du visage pour en souligner ses lignes saillantes et diminuer les volumes. C’est une technique qui vient du théâtre, pour exagérer les traits. En réalité c’est une technique relativement subtile, et peu adaptée au quotidien, je dirais davantage aux soirées ( bien sûr chacun fait bien comme il veut!), ce que je veux dire ici c’est que la méthode du contouring va surtout de paire avec un maquillage plus sophistiqué que naturel, avec un vrai travail du teint en dessous, et autant vous dire que ce n’est pas ce que préfère la majorité de nos client.e.s au quotidien. Alors il faut montrer, appliquer expliquer, et proposer une solution plus adaptée. Montrer aussi que certains visages n’ont pas besoin de cette technique lorsqu’il est déjà anguleux, et qu’il est plus adapté à un visage naturellement plus rond, ou que rétrécir un front déjà petit par rapport aux proportions du visage n’est pas du plus bel effet.

On vient nous voir également pour tester telle ou telle couleur de blush (fard à joues), de rouge à lèvres, vues sur la chaîne ou le compte de unetelle. Je vais prendre un autre exemple ici : le rouge à lèvres « Nude » (c’est à dire un rouge à lèvres très proche de la carnation naturelle des lèvres, qui peut soit rehausser légèrement ou neutraliser un peu plus). Alors on me montre des photos où le rendu est très joli ! Mais je soupire intérieurement car je sais que cette teinte n’ira pas à ma cliente. Il est bien sûr admis qu’un « nude » sur une peau noire » et un « nude » sur une peau laiteuse, en passant par toute une palette entre deux, n’ont rien en commun. Il s’ensuit souvent un long travail de patience pour déconstruire l’idée qu’elle avait en tête et lui proposer « son nude ». Mais ce temps doit être pris, car j’ai moi-même mis du temps à comprendre - avant de travailler en cosmétique- que ce beige clair ne m’allait pas et que cela me donnait plutôt un air cadavérique, comme si j’effaçais mes lèvres). Parfois, on peut essayer jusqu’à une dizaine de rouge à lèvres. Mais si la cliente est réceptive à ma démonstration, mon objectif est atteint car on a réussi ensemble à dépasser sa frustration.

En d’autres termes, un maquillage réussi ne se fait qu’au cas par cas. On peut bien sûr s’identifier à des influenceurs dont la carnation, le type de peau ou les problématiques sont proches des nôtres, et je suis bien sûr une des premières curieuses à le faire !!Mais rien ne vaut selon moi, l’essai par un professionnel et la réévaluation des attentes en proposant des solutions plus adaptées, pour un résultat tout aussi joli.

Voilà pourquoi je pense que notre métier aura toujours de l’avenir, qu’il est de plus en plus exigent aussi grâce à l’influence de Youtube qui permet de soulever de vraies problématiques (plus de représentations de toutes les beautés, plus de teintes etc).

Alors….n’hésitez pas à passer nous voir ;)

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